Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Elizabeth Taylor : the Lost Tapes », sur Max : une étoile perdue entre sa vie et son mythe

MAX – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Enfant étoile et briseuse de mariage ; salariée soumise à la contrainte de son usine (le studio Metro Goldwyn Mayer [MGM], en l’occurrence) et militante audacieuse de la cause LGBT ; icône sérigraphiée par Andy Warhol (c’est à ça que l’on reconnaît les icônes de la seconde moitié du XXe siècle) et interprète téméraire de Soudain l’été dernier (1960) ou de Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) : les avatars d’Elizabeth Taylor se superposent inexactement, laissant entier le mystère de l’une des dernières stars du cinéma.
Le film de Nanette Burstein ne le résoudra pas, mais il jette assez de lumière sur les années de formation d’une star pour mériter l’attention. Comme son titre l’indique, Elizabeth Taylor : the Lost Tapes (« les bandes perdues ») s’organise autour d’enregistrements récemment retrouvés. Ils ont été recueillis en 1964 par Richard Meryman, journaliste au magazine Life, qui avait accédé lui-même à la célébrité en réalisant, deux ans plus tôt, l’ultime interview de Marilyn Monroe.
Elizabeth Taylor a 32 ans, depuis plus de vingt ans elle est actrice (son premier grand rôle, dans La Fidèle Lassie, date de 1943). Son image a été façonnée par la MGM, avant que la chronique d’une succession de mariages et de divorces fasse d’elle le prototype de la célébrité planétaire, dont l’image est détachée de tout contexte autre que celui du scandale. Deux ans plus tôt, elle a rencontré Richard Burton sur le tournage de Cléopâtre.
Jusqu’à ce que la ressource des enregistrements de Meryman s’épuise (un codicille, organisé autour d’une autre interview, réalisée dans les années 1980 par l’écrivain Dominick Dunne, conclut le film), la réalisatrice Nanette Burstein reste fidèle à la voix d’Elizabeth Taylor. Lasse, sensuelle, ironique, cette voix chronique les débuts d’une enfant star, la violence sourde du système des studios qui imposait les rôles et le rythme de travail. Elle évoque la parodie d’éducation que dispensait la MGM dans l’« école » installée dans le bungalow d’Irving Thalberg et les idylles préfabriquées que le studio mettait en scène à l’intention d’une presse servile.
En 1964, la parole des idoles se libère. L’année précédente, Frank Sinatra a donné à Playboy un entretien qui a révolutionné le genre. Elizabeth Taylor raconte ses amitiés avec les acteurs gay d’Hollywood, Montgomery Clift (avec qui elle a trouvé son premier grand rôle, dans Une place au soleil [1951], de George Stevens), Rock Hudson ou Roddy McDowall. Plus tard, c’est pour eux qu’elle se lancera dans le combat contre le sida. Si révélateurs que soient ses propos et anecdotes, auxquels répondent une infinité d’images tirées de films classiques ou oubliés, l’impression demeure d’une femme perdue entre la réalité de sa vie tumultueuse et le mythe qui l’entoure.
Elizabeth Taylor : the Lost Tapes, film documentaire de Nanette Burstein (EU, 2024, 100 min).
Thomas Sotinel
Contribuer

en_USEnglish